Edition: Casterman

Nombre de pages: 282 pages

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Résumé: Comme pour la plupart des jeunes filles dans les années 1960, l’avenir de Catherine est tout tracé : se marier, avoir des enfants, puis… s’en occuper le plus clair de son temps. Un jour, elle est contrainte de rentrer du collège en courant. C’est une révélation : quel sentiment de force, de liberté ! Mais courir, surtout pour une femme, est une chose alors impensable. Pourtant Catherine s’interroge, rêve d’une vie différente, s’entête… Jusqu’où sa détermination la mènera-t-elle ?

Merci à l’édition Casterman pour ce voyage dans le temps

Mon avis: Catherine a 15 ans. Elle a la chance d’avoir obtenu une bourse qui lui permet de continuer des études. Sans cela, elle travaillerait déjà.

Un jour qu’elle doit une situation compromettante, elle se met à courir pour être chez elle à l’heure. Et c’est une véritable révélation : elle adore ça ! Hors, il n’est pas question pour elle de l’exprimer. Dans les années 60, il était très mal vu pour une fille d’être surprise en train de courir. Pourquoi ? C’est comme ça. On dit même que si une fille court trop, elle risque de voir pousser des poils sur tout son corps, voire même de perdre son utérus !

Pour Catherine, c’est l’éveil à toutes sortes d’interrogations : Pourquoi les filles ne peuvent pas courir ? Pourquoi les garçons ont-ils systématiquement plus de droit, simplement parce que ce sont des garçons ? Pourquoi doit-on cacher les changements de la nature féminine, même entre mère et fille ?

Vivant dans un petit village, où installer une salle de douche est du plus grand luxe, il est bien difficile de trouver les réponses à ses questions. Mais Catherine est une jeune fille réfléchie et pour le moins en avance sur son temps. A elle de trouver ce qu’elle cherche.

Annelise Heurtier est capable d’aborder toutes sortes de sujets. Le livre présent en est un parfait exemple !Vous ne serez pas surpris si je vous dis que j’ai adoré ce nouveau roman !

Au travers du regard de Catherine, nous faisons un bond dans le temps pour retrouver l’époque où nos grands-mères découvraient seulement le monde, du haut de leurs 15 ou 16 années. Et la vie pour les filles étaient loin d’y être simple. La mentalité de l’époque apposait des restrictions sur beaucoup de choses, dont on a plus conscience de nos jours.

Le sujet principal du roman est la course à pied, qui n’était pas autorisée à l’époque pour les femmes. Annelise Heurtier explique dans sa note en fin de livre s’être inspirée d’une histoire vraie, celle de Kathrine Switzer, qui a été la première femme à tenter de courir le marathon de Boston en 1967. Les organisateurs, lorsqu’ils ont compris qu’il s’agissait d’une femme, en tenté de l’empêcher de continuer la course. Les photos de l’époque sont explicites sur les réactions que cela avait provoqué.

Ce sujet en amène d’autres, qui à l’époque choquaient. Il était, par exemple, avérés dans les mœurs que les filles étaient d’office moins intelligentes que les garçons, qu’elles n’étaient pas capable de courir plus de 10 minutes, qu’elles existaient uniquement dans le but de s’occuper d’un ménage et de porter des enfants. Aucune épouse n’aurait osé aller contre la volonté de son mari. Et jusque-là, elle n’était pas autorisé à ouvrir un compte en banque ou de travailler sans l’accord de son époux.

Catherine parle aussi de ce poids qui régentait toute la société. Une jeune fille était envoyé dans une blanchisserie, loin de sa famille, lorsqu’elle était enceinte. Ces filles-mères vivaient durant plusieurs mois dans une atmosphère rude et douloureuse. Je pense en vous parlant de cela au film Philomena, également inspiré d’une histoire vraie, à propos de cas vraiment horribles d’enfants arrachés à leur jeune mère, sous couverts d’explications disant que celles-ci ne sauraient pas les élever.

Pour ma génération, toutes ces situations sont choquantes. Mais pour l’époque, on n’y trouvait rien à redire. Et les rares jeunes filles qui osaient s’opposer  étaient mises au ban de la société, jugées infréquentables. Il était certain qu’aucun jeune homme n’en voudrait pour épouse.

Le regarde de Catherine est doux, calme et appelle à l’écoute. La jeune fille est réfléchie, et bien qu’obéissante à ses parents, elle veut voir le monde évoluer dans le bon sens. Pour elle, pour ses sœurs et pour sa mère. Chacune est enfermée ou le sera plus tard dans une condition difficile. La contraception est mal vue et même interdite, les jupes découvrant le genou peut imposer un blâme, parler à la place de ses parents ne se fait pas.  On ne parle pas de sexualité, et les règles est quelque chose que l’on doit absolument taire ! Il existait un petit manuel d’explications que les mères donnaient à leur fille, mais au grand jamais elles n’auraient discuté avec leurs filles de ce sujet. C’est une génération qui a vu beaucoup de changements, mais au prix d’efforts énormes.

Ce roman trace un portrait tout à fait réaliste de cette décennie. Et j’ai adoré ma lecture. Je crois qu’elle mérite beaucoup de lumières et de bruit pour qu’il se propage au maximum.