Dans le décor agité de l’Indochine des années 1930, Karin Tanabe tisse une superbe fresque, pleine de passions et de drames, pour conter un pan méconnu de l’histoire coloniale française.
Héritiers de la riche famille Michelin, Victor Lesage et sa femme Jessie sont envoyés à Hanoï pour reprendre en main les exploitations d’hévéas, ces arbres au caoutchouc naturel si convoité, au centre des tensions anticoloniales.
Tandis que Victor s’investit dans sa mission, Jessie, elle, tente de naviguer dans le milieu fermé des expat’. Pour cette Américaine, très secrète sur son passé, trouver sa place dans cette nouvelle vie n’est cependant pas chose aisée… jusqu’à sa rencontre avec l’intrépide et passionnée Marcelle de Fabry. Avec elle, Jessie fait l’expérience d’un autre Hanoï, interlope, sensuel, nimbé de vapeurs d’opium.
Mais Jessie le sent : l’amitié de Marcelle n’est pas désintéressée. Comme elle, la belle Parisienne cache des choses, une vérité indicible sur les réelles motivations de sa présence sur ces terres du bout du monde où gronde la colère communiste… Combien de temps pourront-elles poursuivre ce jeu de dupes ? Car le destin d’une nation entière est en route, irréversible, et ces deux femmes auront chacune un rôle à jouer dans sa chute, et sa renaissance.
7/10
432 pages
Merci à l’édition Belfond pour ce voyage
Mon avis: Jessie Lesage voit sa vie changer totalement le jour où son mari est envoyé en Indochine, pour reprendre les rènes d’une plantation d’Hévéas. Le rythme est tout à fait différent. Mais la rencontre de Marcelle, une française installée depuis des années, lui permet de découvrir des côtés plus sombres de sa nouvelle existence.
Dans le même temps, des secrets longtemps dissimulés pourraient bien réapparaître, avec les désastres qui en découleront.
L’indochine, les années 30, voilà un décor qui me plait énormément. Un dépaysement chaud, dans les années de grande classe.
Photographie originale signee Vane Tong Sane (fin 19e-debut 20e) representant deux soldats coloniaux francais en Inochine, pres de Lang son, au milieu d’un groupe d’indochinois. Une jeune femme a apporte un bol de the a un des militaires qui tient un fusil de l’autre main. Deux chiens sont assis a leurs pieds. ©Gusman/Leemage
L’histoire elle-même est profonde, et finalement assez sombre. Nous avons affaire à deux femmes très différentes. D’abord Jessie, jeune femme belle comme tout, mais avec une histoire familiale désastreuse, issue d’une famille nombreuse miséreuse. Elle s’en est extirpée à la force de sa volonté, mais ce passé la poursuit.
Marcelle, femme fantasque et amoureuse, bien décidée à régler des comptes, quel qu’en soit le prix à payer.
Toutes les deux, elles sont brillantes et intéressantes. C’est d’ailleurs ces deux personnalités qui portent une très grande partie de l’intrigue. Leurs histoires se mêlent, lentement mais sûrement, créant des révélations auxquelles on ne s’attend pas.
Le fond historique, qui traite des exploitations françaises et anglaises, des grèves des indochinois et l’impact économique, est bien complet. Clairement, l’auteur a pris le temps de prendre des renseignements, et nous ne sommes pas sur une documentation de surface.
Le récit n’est ni trop rapide, ni trop longuet. Chaque nouvelle information a le temps de se placer dans le tableau, un peu comme on assemblerait un puzzle.
J’ai été dépaysée comme je l’espérais, et je ressors de ma lecture totalement ravie.