Période chômée de l'activité politique entre Noël et le jour de l'an.
S’échanger des bonbons, des douceurs et des friandises en tous genres : la trêve des confiseurs, qui court entre Noël et le jour de l’an, évoque fatalement le chemin des boulangeries. Mais sait-on que cette tradition remonte plusieurs siècles en arrière ? Au Moyen Âge très précisément, aux alentours de l’an 1000 : on parle alors de trêve de Dieu, une période que Louis IX, le futur Saint-Louis, entend systématiser. Le roi n’agit pas seul, il est conseillé par des ecclésiastiques qui veulent que les seigneurs cessent de faire la guerre pendant les fêtes spirituelles et les semaines qui les précèdent (Avent, Noël, Carême, Pâques…). Face aux plus récalcitrants, l’Église brandit l’arme de l’excommunication.
La paix de Dieu
Avant la trêve de Dieu, on parle également de paix de Dieu : il s’agit d’honorer le jour du Seigneur en ne prenant pas les armes du samedi au lundi. En marge des grands événements religieux, la trêve préconise que toute violence soit bannie du jeudi au lundi. Dans les faits, elle est modérément respectée : au point que dans certaines régions, ce sont les paysans qui se font menaçants pour contraindre les seigneurs à ne pas guerroyer. Peu à peu, la paix de Dieu inspire un véritable mouvement de pensée, voire une doctrine spirituelle, portée par les conciles du Puy (987), Charroux (989) ou encore Poitiers (1000 et 1014). Pour le roi, cette initiative sert aussi à accroître sa domination sur ses – grands – vassaux, qui sont prompts à s’enrichir à ses dépens.
Après le Moyen Âge, c’est la IIIe République qui ancre définitivement la trêve des confiseurs dans le calendrier (et dans le vocabulaire), mais cette fois sous un angle résolument laïque. Les parlementaires, qui s’écharpent joyeusement à la Chambre, veulent profiter de quelques jours autour du 1er janvier pour faire retomber la pression. Dans ses mémoires, le duc de Broglie brosse le cadre de ce nouveau climat : « On convint de laisser écouler le mois de décembre (1874) pour ne pas troubler par nos débats la reprise d’affaires commerciales qui, à Paris et dans les grandes villes, précède toujours le jour de l’an. On rit un peu de cet armistice, les mauvais plaisants l’appelèrent la trêve des confiseurs. » Celle-ci est calée dans l’agenda : elle démarre le 31 décembre avec les dernières séances au Parlement et dure jusqu’au deuxième mardi du mois de janvier.
Quelques heures hors du monde
Pendant la Première Guerre mondiale, on ne parle plus de trêve des confiseurs mais de trêve de Noël. Avec un épisode très précis à la clé : le 25 décembre 1914, sur le front belge, des soldats britanniques à l’abri de leurs tranchées entendent pointer des chants des positions ennemies : ils s’aperçoivent ensuite que les Allemands ont placé des sapins de Noël le long de leurs défenses. Les combattants, laissant alors l’arme au pied, entament un moment de fraternisation qui se répétera en 1916, et notamment pendant les fêtes de Pâques. Si les historiens s’intéressent régulièrement à ces quelques heures « hors du monde », ils précisent aussitôt qu’elles n’ont pas freiné les combats et les effroyables bilans de la Première Guerre mondiale. La trêve de Noël s’avérant un phénomène extrêmement isolé.
Aujourd’hui, l’Église ne fait plus officiellement référence à la trêve de Dieu : toutefois, les papes n’ont jamais cessé de marteler l’importance de cette thématique. Dans un discours à l’ONU, le 4 octobre 1965, Paul VI s’adresse ainsi au monde entier : « Plus jamais la guerre, plus jamais la guerre. C’est la paix qui doit guider le destin des peuples et de toute l’humanité. » Plus récemment, en juillet 2006, Benoît XIV a parlé d’« un geste devant Dieu » en évoquant le principe d’une journée de prière en faveur de la paix au Proche-Orient. Le pape François s’inscrit également dans cette tradition, demandant à intervalles réguliers « que se taisent les armes ».