“L’éternité, c’est ce qu’il y a de plus fragile, c’est du papier. Qu’est-ce qui reste de tout le passé ? Non pas les idées, parce qu’elles s’envolent, mais des mots écrits.”
1925-2017
Biographie
Jean Lefèvre d’Ormesson est le fils cadet d’André d’Ormesson, ambassadeur de France et ami de Léon Blum, le neveu du diplomate Wladimir d’Ormesson et le cousin germain du député Olivier d’Ormesson.
Sa mère, Marie Henriette Isabelle Anisson du Perron, issue d’une famille monarchiste catholique proche de l’Action française, descend d’Étienne-Alexandre-Jacques Anisson-Dupéron (1749-1794), directeur de l’Imprimerie royale en 1783, privé de cet emploi à la Révolution et guillotiné.
Membre de la famille Lefèvre d’Ormesson appartenant à la noblesse de robe, il porte le titre de courtoisie de comte d’Ormesson.
Jean d’Ormesson passe son enfance au château de Saint-Fargeau, qui appartient à sa mère, épisode de sa vie qu’il évoque dans Au plaisir de Dieu. Pendant sa jeunesse, la famille suit les missions du père en Bavière (de 1925 à 1933), en Roumanie et au Brésil, à Rio de Janeiro. Il est élevé par sa mère et par des nourrices jusqu’à l’âge de 14 ans. Après avoir suivi toute sa scolarité les cours par correspondance du Cours Hattemer (entre 1941 et 1942, sa famille se déplace néanmoins sur la Côte d’Azur et il est élève au lycée Masséna de Nice), il obtient son baccalauréat en 1943, après un premier échec. Il entre en hypokhâgne au lycée Henri-IV, puis intègre à 19 ans l’École normale supérieure.
Licencié ès lettres et en histoire, il tente ensuite, contre l’avis de son professeur, Louis Althusser, l’agrégation de philosophie, qu’il obtient en 1949 à la troisième présentation, il se classe douzième parmi les vingt et un candidats reçus. Après son service militaire, il donne quelques cours de grec classique et de philosophie au lycée public Jacques-Decour, puis entame une carrière de journaliste à Paris Match où il écrit quelques articles people, et aux quotidiens Ouest-France, Nice-Matin et Progrès de Lyon. Il vit alors dans l’appartement de ses parents rue du Bac, jusqu’à son mariage tardif à l’âge de 37 ans.
Le 2 avril 1962, il épouse à Paris dans le 16e, Françoise Béghin, née dans cet arrondissement le 26 juin 1938, fille benjamine de Ferdinand Béghin, magnat de la presse (et administrateur du Figaro à partir de 1950) et du sucre (PDG de la société Béghin-Say), de nationalité suisse, et également cousine (par sa tante paternelle) du cinéaste Louis Malle.
Leur fille Héloïse naît le 10 octobre 1962. Avec son premier mari, Manuel Carcassonne, elle a une fille, Marie-Sarah.
Il meurt d’une crise cardiaque dans la nuit du 4 au 5 décembre 2017 à son domicile à Neuilly-sur-Seine, âgé de 92 ans
La carrière
En 1950, par l’entremise de Jacques Rueff, un ami de son père, alors président du Conseil international de la philosophie et des sciences humaines à l’UNESCO, il est nommé secrétaire général de cette nouvelle ONG. Il en devient le président en septembre 1992.
En 1956, il publie son premier roman, L’amour est un plaisir qui se vend à seulement 2 000 exemplaires, alors que son éditeur Julliard voit en lui un « frère de Sagan ». Il connaît son premier succès critique et public en 1971 avec le roman La Gloire de l’Empire (100 000 exemplaires vendus) pour lequel il reçoit le grand prix du roman de l’Académie française.
Il est rédacteur en chef adjoint (1952-1971), membre du comité de rédaction (à partir de 1971), puis rédacteur en chef de la revue Diogène (sciences humaines). Il est plusieurs fois conseiller dans des cabinets ministériels (dont celui de Maurice Herzog à la Jeunesse et aux Sports) et membre de la délégation française à plusieurs conférences internationales, notamment à l’Assemblée générale des Nations unies en 1948.
En 1974, il est nommé directeur général du Figaro. Il rédige chaque semaine un article dans le supplément du dimanche de ce quotidien dont le rédacteur en chef est Louis Pauwels (coauteur du Matin des magiciens) et apparaît six fois dans l’émission télévisée Italiques entre 1971 et 1974. Ses opinions sur la guerre du Viêt Nam lui valent des paroles très dures de Jean Ferrat dans la chanson Un air de liberté. En 1975, à la suite de la suppression de cette chanson d’une émission de télévision à la demande de Jean d’Ormesson, Jean Ferrat s’explique : « Je n’ai rien contre lui, contre l’homme privé. Mais c’est ce qu’il représente, […] la presse de la grande bourgeoisie qui a toujours soutenu les guerres coloniales, que je vise à travers M. d’Ormesson. »
En 1976, toujours directeur général du Figaro, il apporte son soutien au journaliste et responsable syndical Yann Clerc qui aide Robert Hersant, le propriétaire du titre (à partir de 1975), à éliminer toute opposition des journalistes après sa prise de pouvoir. Il démissionne de son poste de directeur en 1977 face à l’ingérence rédactionnelle de Robert Hersant, nouveau propriétaire du quotidien. Il accepte une chronique régulière jusqu’en 1983 dans le nouveau supplément Le Figaro Magazine. Sa présence médiatique en fait une personnalité de l’intelligentsia de la droite française, et il prend ainsi part au débat sur le referendum de Maastricht dans un entretien avec le Président François Mitterrand.
Il se consacre à l’écriture de nombreux romans, qui échappent souvent aux conventions du genre romanesque : les intrigues sont construites autour de plusieurs personnages, les digressions sont nombreuses, les anecdotes personnelles de l’auteur, teintés d’humour et d’érudition, ornent le récit. Les fictions de Jean d’Ormesson constituent souvent méditation sur le temps qui passe et prennent parfois l’allure d’un traité de vie : La Gloire de l’Empire, Dieu, sa vie, son œuvre, Histoire du Juif errant, La Douane de mer, Presque rien sur presque tout. La dimension autobiographique est toujours très présente, en particulier dans Du côté de chez Jean, Au revoir et merci, Le Rapport Gabriel, C’était bien, livres à mi-chemin entre le récit et l’essai, où Jean d’Ormesson parle de lui-même, tout en inventant certains détails de sa vie sur le ton de la fausse confidence ou de la fausse modestie. Dans ses derniers livres, il explore d’autres voies en relatant d’outre-tombe sa propre vie passée (Voyez comme on danse) ou en adoptant un registre plus mélancolique (Une fête en larmes).
Jean d’Ormesson poursuit sa collaboration à la rubrique « Débats et opinions » du journal Le Figaro. La première biographie à son sujet, écrite par Arnaud Ramsay, Jean d’Ormesson ou l’élégance du bonheur, a été publiée en 2009.
En 2003, l’académicien et son épouse Françoise sont soupçonnés d’avoir dissimulé 16 millions d’euros à l’administration fiscale française, mais le non-respect de procédures d’entraide judiciaire internationale provoque l’interruption des contrôles.
En 2013, il évoque son cancer de la vessie qui lui a valu huit mois d’hospitalisation. Il déclare, une fois remis : « J’avais une chance sur cinq de m’en sortir », ajoutant « le cancer a rayé une année de ma vie. »
Le 27 novembre 2014, Jean d’Ormesson est fait grand-croix de la Légion d’honneur par le président de la République François Hollande.
En janvier 2015, les éditions Gallimard annoncent l’entrée de l’œuvre de Jean d’Ormesson au sein de la collection de la bibliothèque de la Pléiade.
L’Académie Française
Jean d’Ormesson est élu à l’Académie française, le , au fauteuil 12, face à Paul Guth, succédant à Jules Romains mort l’année précédente.
Il fait campagne pour défendre la réception sous la coupole de Marguerite Yourcenar, la première femme admise à l’Académie en 1980; il répond à son discours de remerciement en 1981 et reçoit également Michel Mohrt en 1986 et Simone Veil le 18 mars 2010.
Il était le benjamin de l’Académie française à son entrée.
“Cette vie foisonnante de l’histoire est si merveilleusement riche qu’elle réduit à néant les inventions sans génie d’une imagination essoufflée.”